Après le premier interview tricot sur ce blog, Annie, une fidèle lectrice m’a dit qu’elle aimerait lire une interview d’une personne qui vendait ses propres créations tricotées.

J’ai alors découvert le merveilleux travail de Sandrine de l’Atelier Lune de Nacre. Elle a très gentiment accepté de répondre à mes nombreuses questions et de vous révéler les coulisses de son métier. Elle vend ses créations tricotées mains, à la fois sur son site internet: Atelier Lune de Nacre et sur sa boutique Etsy.

J’ai été subjuguée par la beauté de ses tricots. Son univers est très particulier: ses créations nous plongent dans un monde Celte où la mer ne semble jamais loin… Des tricots intemporels qui créent un lien avec notre riche passé… Des motifs et des coloris qui nous rappellent l’Islande et la tradition des tricots marins

J’espère que vous aurez autant de plaisir à découvrir Sandrine et ses magnifiques créations que j’en ai eu à préparer cette interview avec elle.

Atelier Lune de Nacre Étole mohair et soie

Aline: Dis-nous en un peu plus sur toi et ton projet d’entreprise

Sandrine: Je vis et je travaille dans un petit village de Touraine, dans le Val de Loire. Ma formation (un BTS de commerce international puis un doctorat d’Histoire ancienne et archéologie) est très éloignée de mon métier actuel! J’ai appris le tricot en famille, d’abord avec ma mère qui m’a appris les bases quand j’avais 4 ans et demi puis avec ma grand-mère maternelle, qui m’a appris quelques techniques plus compliquées (tricot en rond et points à torsades) quand j’étais adolescente. Le tricot a tout de suite été comme une « évidence », je tricote énormément depuis mon enfance et je dévore de nombreux livres sur les techniques du tricot… Aujourd’hui, j’exerce deux métiers à plein temps: je crée des tricots faits à la main en matières naturelles, et j’élève mes enfants, avec qui nous pratiquons l’instruction en famille (« école à la maison »).

Atelier Lune de Nacre Lune de Nacre: Châle triangulaire à capuches.

Comment l’aventure « Lune de Nacre » a-t-elle commencé?

Après la naissance de mes enfants, j’ai choisi de mettre entre parenthèse la recherche en histoire, qui me passionnait mais ne me laissait pas assez de temps pour les élever comme je le souhaitais (notamment en me plongeant dans l’aventure de l’instruction en famille). Je ne voulais cependant pas arrêter totalement de travailler, et j’ai créé « Atelier Lune de Nacre » en 2014 pour proposer à la vente mes tricots.

De quelle manière vends-tu tes créations?

Je vends mes créations par le biais d’internet (sur mon site www.atelierlunedenacre.com et ma boutique Etsy: www.AtelierLuneDeNacre.Etsy.com) mais aussi lors de salons de créateurs en Touraine et en Bretagne. Je vends aussi certaines de mes créations dans des boutiques ou des galeries d’artisanat d’art, en France ou ailleurs dans le monde (au Canada, en Italie, au Japon).

Atelier Lune de Nacre « Secrets » de Lune de Nacre – Carnet de croquis avec couverture tricoté main-

Quelles sont les valeurs propres à ta marque?

Toutes mes pièces sont entièrement faites à la main. Je choisis uniquement des matières naturelles et / ou organiques pour les fils (laine, mérinos, alpaga, mohair, cachemire, soie, coton, lin, chanvre… avec des teintures naturelles ou sans métaux lourds) et les autres fournitures (bouton en bois, verre, nacre, os et corne, galets, céramique). Je déniche mes fournitures partout dans le monde.

J’ai choisi de me limiter à une palette de couleurs neutres, telles qu’on peut les trouver dans un paysage islandais: bleu foncé; bleu glacier; gris clair; gris moyen; gris foncé; noir; chocolat; café au lait; beige clair; écru, parfois accompagné d’un vert mousse, d’un rose pâle grisé et d’un violet foncé.

Mes sources d’inspiration sont variées: j’aime la pureté de ligne des vêtements japonais anciens, la simplicité des formes et la beauté des matériaux des produits scandinaves, la magie des motifs et des légendes celtiques, la créativité des vêtements nomades partout dans le monde. J’aime les forts liens avec la nature que partagent toutes les cultures.

Parle-nous des différentes étapes pour la création de tes œuvres avant qu’elles ne rejoignent les mains d’un client.

Le processus de création d’une pièce est toujours une tâche de longue haleine:

  • premières esquisses dans mon carnet, avec des crayons et des feutres aquarelle et étude de la faisabilité du projet
  • échantillonnage (divers essais avec la fibre choisie et différentes tailles d’aiguille pour obtenir la meilleure texture, et pour calculer la jauge (nombre de mailles et de rangs pour obtenir un carré de 10 cm de côté)
  • rédaction du patron en plusieurs tailles, à l’aide de papier quadrillé spécial tricot, d’un calculateur de tricotage et de mon ordinateur.
  • tricot à la main (environ 60 heures pour un pull homme, entre 30 et 40 heures pour une longue écharpe, entre 10 et 20 heures pour un pull bébé…)
  • blocage à la vapeur
  • assemblage (les pièces sont cousues à la main à l’aide d’une aiguille à laine)
  • finitions (tricotage des éventuels bandes de boutonnage et cols, couture des boutons, rentrage des fils…)
  • mise en vente
Atelier Lune de Nacre Lune de Nacre: Bonnet VASCO.

Quel article a eu le plus de succès depuis le lancement de Lune de Nacre?

Au début, l’article que je vendais le plus était mon bonnet marin VASCO. Il est parti vers de nombreux pays, il a servi d’accessoire pour une troupe de théâtre et a même participé à une expédition scientifique au pôle Nord! Je le vends encore très régulièrement, mais depuis l’an passé, c’est un petit ensemble pour bébé, SHANI, et un pull celtique pour femme qui se vendent le mieux.

Atelier Lune de Nacre Ensemble bébé SHANI

Qui achète tes tricots?

Sur internet, je vends surtout à l’étranger (en Europe du Nord, aux États Unis et en Australie principalement), dans des pays qui ont un rapport différent avec le tricot, qui n’est pas considéré comme un loisir créatif mais comme un artisanat à part entière au même titre que le tissage ou la couture.

J’ai été surprise d’avoir pas mal d’hommes jeunes comme clients, qui achètent souvent pour eux, parfois pour offrir des cadeaux pour leur compagne ou des cadeaux de naissance. J’ai aussi de nombreuses clientes, de tous âges, qui achètent surtout pour elles-mêmes ou leurs bébés. Ce sont parfois des tricoteurs/ tricoteuses, qui savent alors reconnaître la qualité des fibres et le nombre d’heures de main d’œuvre nécessaires à la confection de tricot main (et ils comprennent donc les prix pratiqués). J’ai des clients de toutes les classes sociales, car je propose la possibilité de payer en plusieurs fois sans frais. Une de mes pièces les plus chères a été achetée à la fois par une cliente australienne qui a payé un Chronopost en plus pour la recevoir au plus vite, mais également par une cliente française qui gagnait le SMIC, et qui l’a réglé en toutes petites mensualités…

Mes clients recherchent du fait main, des matières naturelles, des formes suffisamment intemporelles pour être portées de longues années sans se démoder. Ils souhaitent aussi savoir qui je suis, comment je travaille, nous échangeons de nombreux mails, avant et après la vente (j’ai parfois des nouvelles de mes pièces par des clients qui m’écrivent plusieurs mois plus tard pour me dire qu’ils continuent de les apprécier!)

Atelier Lune de Nacre Bonnet VASCO – Mitaines celtiques

Comment gères-tu ton temps en tant qu’entrepreneuse?

Il faut gérer les multiples casquettes de l’entreprenariat, ce qui n’est pas toujours facile mais c’est le lot de tous les indépendants! Je passe chaque jour plusieurs heures à tricoter, et j’ai un emploi du temps très précis pour le reste (tel jour je m’occupe du site et des boutiques, tel jour la comptabilité et l’administratif, tel jour les contacts avec les salons, tel jour les contacts avec mes fournisseurs…) Je fais des rétro-planning pour les salons, et j’ai informatisé mes stocks de matières premières et de pièces réalisées, pour éviter toute erreur.

Comment organises-tu ton année créative?

Je ne dispose pas encore d’assez de temps pour créer une collection printemps/été et une automne/hiver (quand les enfants seront plus grands sans doute!), donc la majeure partie des ventes se concentre entre septembre et avril, avec une période hyper intense entre novembre et février… Les premières années, j’avais un peu de mal à gérer cette saisonnalité, maintenant je vois ça comme une chance, je profite du calme relatif du printemps et de l’été, pendant lequel je ne fais des ventes que lors des salons ou dans l’hémisphère sud (dont les saisons sont inversées par rapport aux nôtres) par internet pour créer de nouvelles pièces et regarnir mon stock en vue de l’intensité de la fin de l’année.

Atelier Lune de Nacre Casquette Lune de Nacre

Qu’apprécies-tu le plus dans ce métier?

L’indépendance! Je suis mon propre patron, je travaille à mon rythme, à mon domicile sauf pour les cours de tricot que je donne à l’extérieur. Je peux passer beaucoup de temps avec ma famille et c’est très appréciable. J’aime le contact avec les clients, qui sont parfois devenus des amis. Je trouve toujours magique d’expédier des colis à l’autre bout du monde… Et j’aime vraiment travailler de mes mains avec de belles matières.

Qu’est-ce qui te semble le moins agréable?

Le temps passé aux tâches administratives donne moins de plaisir, fatalement, mais bon, il fait partie du lot!

Quels conseils pourrais-tu partager avec des personnes qui aimeraient vendre leurs créations?

Ne jamais se décourager! Il y a des moments avec, des moments sans… Il y a beaucoup de paramètres qu’on ne peut pas contrôler… Un ami créateur m’a dit un jour: « Une pièce trouve toujours son destinataire », et j’ai pu le vérifier moi-même et auprès de mes collègues lors des salons (mais cela peut prendre des mois, voire des années, il faut beaucoup de patience!)

Il faut savoir qu’on passera beaucoup de temps en tâches qui n’ont rien à voir avec la création, c’est souvent frustrant…

Pour gagner à peu près correctement sa vie, on ne peut pas uniquement compter sur la vente des pièces, surtout en tricot main qui demande beaucoup de temps et qu’on ne peut pas vendre au « juste prix » (impossible de se payer ne serait-ce qu’au SMIC les heures de tricotage sans faire exploser les prix). Il faut donc diversifier les sources de revenus (cours et stages, ventes de fiches de tricot,etc…)

Atelier Lune de Nacre THARA – bourse celtique

Veux-tu nous parler de tes projets à venir?

J’ai beaucoup de projets pour faire évoluer Lune de Nacre (et trop peu de temps pour tous les mener à bien!).

Justement, mes clients tricoteurs me demandent de plus en plus si je vends des fiches explicatives de mes modèles, ce que je ne faisais pas jusqu’ici (cela prend pas mal de temps de réaliser de belles fiches en français et en anglais). C’est mon prochain projet.

J’ai été contactée par une auteure australienne qui prépare un beau livre sur des créateurs d’artisanat d’art, et qui souhaitait que j’y participe. J’ai beaucoup aimé travailler sur ce projet, et j’attends maintenant la sortie du livre en novembre 2017!

Je planche actuellement sur l’idée d’un blog professionnel sur mon site, qui comprendrait entre autres des tutos et des avis de lecture de livres sur le tricot…

J’ai aussi le projet de traduire des ouvrages de tricot d’anglais en français (souvent quand je recommande des livres à des ami(e)s tricoteurs/tricoteuses français, on me dit: « Ah oui, mais c’est en anglais… » et je trouve ça dommage que d’excellents bouquins ne soient pas accessibles au public français…).

Merci Sandrine pour ces réponses précises et passionnantes!

Merci Aline pour cette interview à laquelle j’ai pris plaisir à répondre!

Atelier Lune de Nacre Pull celtique pour femme

Cette interview vous a plu? Vous serez alors sans doute intéressée par l’interview tricot d’Audrey de Petit Bout de Laine. Elle aussi peut vivre de sa passion pour le tricot! 🙂

Et si les créations de Sandrine vous ont donné l’envie de tricoter des torsades, vous pouvez découvrir mon tuto facile pour apprendre à tricoter des torsades.

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2 Comments on Interview tricot: Lune de Nacre

  1. très beau article qui met en valeur la passion du tricot de Sandrine
    je découvre par ton article son univers celtique et sa persévérance dans le choix de son avenir professionnel
    une belle réussite

    • Merci Annie! Oui, c’est tellement agréable de lire qu’on peut réaliser un tel rêve. Son univers nous fait voyager, je suis contente que cet interview t’ait plu. 😉

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